Changer nos habitudes de consommation, pas si facile. Et si la pandémie nous y aidait malgré nous ? En refusant le risque lié aux circuits de distribution traditionnels, une partie de la population se tourne désormais vers la vente directe et les producteurs locaux. Adaptation ou nouvelle habitude ? La consommation locale va-t-elle petit à petit reprendre le pas sur la consommation globale ?
Nous l’avons bien vu dès les premières heures du confinement, réflexes obligent, nos concitoyens se sont tournés massivement vers les centres commerciaux. Mais désormais, il semble que les champs, les fermes et les places publiques emportent l’adhésion d’une population aujourd’hui soucieuse de ne plus être le dernier maillon ballottant d’une longue chaîne dont on ne sait finalement pas grand-chose. Production, emballage, transport, manutention, mise en rayon et mille autres manipulations sont nécessaires avant que les produits de consommation courante n’atterrissent au sein d’un chariot désormais considéré lui aussi avec suspicion. Autant d’étapes intermédiaires, d’inconnus et d’incertitudes… Disons-le, autant de risques…
Réduire ce risque hypothétique est devenu un besoin impérieux qui s’est traduit par un retour au local. En d’autres termes, la proximité comme gage d’un circuit court, assurant le consommateur de manipulations limitées et lui donnant la possibilité de mettre un visage sur un nom. Dans ce scenario, les AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) sont déjà fortement sollicitées depuis une dizaine de jours, voire carrément sous pression.
Dans le Val de l’Eyre, l’AMAP Les jardins de Sillac a déjà rencontré une forte hausse de demandes d’adhésions. Ainsi, Hervé Georges, exploitant de la ferme de Sillac a dû adapter ses horaires et ses modes de fonctionnement afin de continuer à pourvoir à cette demande.
« Les quartiers de Salles réclament, les gens s’inquiètent alors ils veulent des légumes et des œufs frais. »
Hervé Georges, les Jardins de Sillac
L’urgence de la situation laisse parfois libre court à une forme d’échange direct, d’une personne à une autre.
Dans le quartier sallois de Bilos, les jardins qui possèdent quelques poules pondeuses ont contribué à l’effort citoyen et ont proposé à l’unisson une vente d’oeufs sur la place publique, à prix libre et dans le respect des règles de confinement. Un « egg drive » improvisé et bienvenue. Une productrice locale a fait de même avec ses légumes, laissés également à prix conseillé, et a pu ainsi éviter un gaspillage évident.
A Biganos, l’exploitation maraîchère de Jeanne Duprat – le P’tit panier bio – ne désemplit pas.
« Mon téléphone est saturé de demandes, c’est hallucinant. Les gens sentent que ça fait partie des moyens les plus sécurisés pour avoir de la marchandise qui n’a pas été tripotée. Il y a un rejet des grandes surfaces, mais est-ce que cela sera durable ? Peut-être qu’une fois qu’ils auront goûté au local, ils se rendront compte de la différence… »
Jeanne Duprat, le P’tit panier bio
Encore une fois, service « drive » et respect des gestes barrières sont strictement appliqués lors de la « rencontre » de la productrice boïenne et de ses consommateurs.
Signal fort, la région Nouvelle-Aquitaine a souhaité pourvoir aux besoins des populations isolées et fragiles et fournir par la même occasion un débouché aux producteurs locaux par la mise à disposition d’une plateforme dédiée dont nous nous sommes déjà fait l’écho. Le site www.produits-locaux-nouvelle-aquitaine.fr a vu le jour cette semaine et contribue à la mise en relation directe des producteurs et consommateurs, en y ajoutant par la même occasion un service de livraison. Depuis quelques jours, les « drives fermiers » et autres services de livraison fleurissent sur la toile. Profitant de l’anesthésie temporaire des circuits de la grande distribution, les « petits » tirent leur épingle du jeu et nous offrent la possibilité d’ériger le bio et le local en nouveaux usages de consommation. Désormais, il reste à savoir si au terme de cette période de confinement, ces usages vertueux prendront racine, pour devenir les habitudes que nous appelons de tous nos vœux.
Retrouvez notre article sur la permaculture ici.