Les enjeux de la forêt des Landes de Gascogne
Tout le monde connait ses parfums, son immensité à perte de vue et sa monotonie. La forêt des Landes de Gascogne est étroitement liée à l’histoire des paysages de la Nouvelle Aquitaine. Mais son histoire à elle est parfois méconnue. Et l’évolution des enjeux qui courent autour de cet espace à perte de vue n’est pas toujours bien comprise. Arcachon Ecotours a voulu plonger dans ce que l’on a un jour appelé « le Sahara français ».
La forêt des landes : un désert longtemps inexploité
L’on dit souvent que c’est la plus grande forêt cultivée d’Europe occidentale. Le massif forestier des Landes de Gascogne, qui s’étend sur environ 1,5 million d’hectares et trois départements (Gironde, Landes et Lot-et-Garonne), n’a pourtant pas toujours eu ce visage-là.
Comme expliqué dans ce passionnant article, dés le XIIe siècle, l’omniprésence des friches, landes et marais, triptyque caractéristique des terres incultes et d’un milieu ingrat, rend la région des Landes de Gascogne bien peu attractive. La contrée est ainsi considérée comme un néant agricole et un marécage abandonnés à une fruste peuplade de nomades.
Pendant de trés nombreuses années, les landes de Gascogne sont une zone humide, habitée et travaillée, voire possédée en commun jusqu’au 19ème siècle par une population d’éleveurs ovins. Tout le monde connait cette image d’Epinal du berger landais juché sur ses grandes échasses et vêtu de peaux de moutons. Ces bergers qui sillonnaient les immensités d’une lande autrefois dénudée pour surveiller leurs troupeaux de brebis landaises sont les images d’un système agro-pastoral qui, pendant des années, permis de nourrir toutes les familles de la région en tirant un profit des terres de la lande. Système qui périclita doucement à partir de l’ensemencement massif des pins.
Napoléon, sa ferme et ses pins maritimes
Cet immense espace quasiment vierge est l’objet de toutes les légendes mais aussi de toutes les convoitises. La conquête de cet espace devient un véritable enjeu national au XIXème siècle. Entrepreneurs et aventuriers, aristocrates issus des plus grandes familles françaises, mais aussi ingénieurs et intellectuels inspirés par les doctrines de la physiocratie et du saint-simonisme se lancent dans de nombreux projets de défrichement des Landes. Avec comme objectif de fixer les dunes mobiles du littoral qui menacent les villages de la côté atlantique, de nombreux travaux sont entrepris mais jamais vraiment terminé.
C’est l’ingénieur des Ponts et Chaussées Nicolas Brémontier qui finit par convaincre l’état de l’importance de la transformation des Landes en forêt, via une plantation massive de pins maritimes. Publiquement, la propagande présente l’opération comme indispensable pour « assainir les marécages et améliorer les conditions d’hygiène » de ce « désert malsain ». Une véritable fièvre économique est suscitée par « le pin maritime, arbre d’or des Landes », formule en 1872 d’un grand reboiseur, Alexandre Léon qui « bâtit sa richesse sur l’exportation de poteaux de pins bruts en direction de l’Angleterre vers 1860 ». Napoléon III, alors propriétaire d’une ferme de plusieurs dizaines de milliers d’hectares dans le département, fait édicter, en 1857, une loi impériale qui promeut l’assainissement de la région par la systématisation des boisements en pins maritimes, jugés comme la meilleure réponse aux attentes des investisseurs et aux contraintes physiques.
20 ans plus tard, la forêt recouvre plusieurs centaines de milliers d’hectares et est conjuguée à la construction d’un réseau de voies ferrées qui fait entrer la forêt dans l’ère industrielle.
Gemmage, sève, forêt utilitaire et planches de bois
Principalement privée, la forêt des Landes de Gascogne devient une manne financière. Presque entièrement constituée d’une forêt régénérée artificiellement par semis ou plantation, et exploitée industriellement, c’est ce qu’on appelle une « forêt utilitaire ».
Pourquoi avoir choisi le pin maritime ?
Pour des raisons quasiment exclusivement économiques. Le pin maritime a une croissance trés rapide et se révèle extrêmement rentable puisque il est exploitable à partir de 40 ans. De plus, le résineux peut s’installer, contrairement aux autres essences dans des conditions les plus extrêmes.
Cependant, les conséquences écologiques à court terme sont assez dramatiques car :
- Les pins maritimes aspirent 45 tonnes d’eau de la nappe phréatique en 24 heures.
- La monoculture de résineux amène la podzolisation du sol, c’est-à-dire une stérilisation de la couche arable du sol par le lessivage systématique des substances nutritives qui s’y trouvent.
La commercialisation de la sève et du bois de la forêt des Landes
Trés vite, le bois généré par cette forêt, plantée petit à petit, génère d’importants revenus. Aujourd’hui encore, la filière forêt-bois en Aquitaine emploie quelque 38 000 personnes.
Autre source de revenu considérable : le gemmage. Récupérer la résine des pins devient une pratique courante au milieu du XIXe siècle dans les Landes de Gascogne. Les résiniers exploitent alors des milliers d’hectares de pins pour extraire « l’or blanc » des Landes de Gascogne, servant à produire de l’essence de térébenthine et de la colophane. Malheureusement, la fin du XXème siècle signe la fin de cette pratique ancestrale, face à la concurrence des pays où la main d’œuvre est moins chère et surtout à la concurrence des produits pétroliers de substitution.
Une croissance démographique à surveiller
Aujourd’hui, d’autres enjeux viennent faire trembler la forêt des Landes. Des enjeux locaux souvent trés liés à une importante croissance démographique sur le territoire et à une volonté de changer le paysage touristique, comme explique dans cet article. En effet, un important tissu associatif, attaché à l’authenticité de sa forêt et à son patrimoine se bat pour éviter des constructions de golfs ou de centres commerciaux, qui dénatureraient ce paysage.
Car il faut avouer que la forêt des Landes n’est plus du tout le même « désert » qu’auparavant. Comme expliqué ICI, alors que sur la période 1999-2006, la croissance démographique de l’ensemble des Landes de Gascogne était de 1,4 %, les territoires littoraux et rétro-littoraux, comme le Médoc ou le sud Landes, ont vu leur population croître de plus de 2 % par an .
Un phénomène qui s’explique notamment du fait de la croissance démographique et de la hausse des prix de l’immobilier autour des aires métropolitaines de Bordeaux et Bayonne. L’on s’aperçoit au final que même si 2/3 des communes des Landes de Gascogne sont en dessous du seuil des 30 habitants/km², 43 % de ces communes sont aujourd’hui situées dans l’espace à dominante urbaine.
De plus, il ne faut pas oublier que la forêt des Landes se doit d’être préservée car elle détient aussi quelques bienfaits écologiques. Comme l’explique José Cubéro dans son livre La lande, le pin, le feu. Le grand incendie de 1949, cette forêt est également un gigantesque piège à carbone, incontournable à l’heure du changement climatique. C’est aussi un formidable terrain de jeu pour les amoureux de la nature, offrant des espaces infinis, à parcourir à pied ou à vélo
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Pour aller plus loin : découvrez ce passionnant article sur les enjeux du cadre forestier du Bassin d’Arcachon.
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