Ostréiculture : Le Bassin d’Arcachon, lieu idéal pour une reproduction complexe
Alors que tous seraient tentés de penser que là où l’on trouve des huîtres, ces dernières peuvent également s’y reproduire, la vérité est tout autre. En effet, sur toute la surface du globe, rares sont les lieux permettant aux huîtres de se reproduire et donner naissance à leurs larves qui deviendront ensuite les naissains. Arcachon Ecotours vous explique donc pourquoi le Bassin d’Arcachon est le lieu idéal pour leur reproduction.

Coquilles de Crassostrea Gigas – Port de Larros (33470) © Aurore Claval
La Crassostrea Gigas (nom scientifique de l’huître qui nous concerne sur le Bassin) est un être complexe qui, pour sa reproduction, requiert des conditions très précises. Si ces dernières ne sont pas optimums, si un critère n’est pas totalement rempli, il y aura donc peu de chance que de futures huîtres voient le jour. D’où le faible nombre de lieux rassemblant l’ensemble des critères.
Les dessous de l’huître laiteuse
Auparavant on conseillait de consommer les huîtres sur la période des mois en « r ». L’huître est en effet plus charnue. Contrairement à l’été où elle est dite « laiteuse ». Ce terme est lié à l’aspect et texture modifiés de ses branchies par la laitance qui correspond plus précisément aux gamètes, les sécrétions des huîtres prêtent à être libérées pour la reproduction. Pour une huître, on compte environ 30 millions de gamètes.

Huître dans son environnement. L’eau est troublée par la libération des gamètes
La reproduction en détails :
L’huître est un être dit bivalve et hermaphrodite successif (tantôt femelle tantôt mâle au cours de sa vie). Lors de la phase de reproduction, on parle donc de gamétogenèse (création des gamètes) à contrario des mammifères et de notre propre espèce pour qui on parle de spermatogenèse et ovogenèse.

Cycle de développement d’une larve de Crassostrea Gigas (c) Ifremer

Pacific Oyster Larva – Captage de larves Crassostrea Gigas dans le bassin d’arcachon (c) S. Pouvreau – Ifremer
Par le biais de ce mécanisme biologique, l’huître creuse va ainsi créer soit des gamètes femelles (ovules) soit des gamètes mâles (spermatozoïdes). Une particularité chez certaines variétés d’huîtres, dîtes huître plate, est qu’elles peuvent happer les spermatozoïdes mâles au sein de leur cavité palléale, leur coquille, et ainsi s’autoféconder. Une chance puisqu’elles expulsent ainsi des larves ayant plus de chance de survie et croissance grâce à ce temps de vie in utero.

Captage d’huîtres creuses dans le Bassin d’Arcachon. Les larves et leurs cils leur permettant de se déplacer (c) S.Pouvreau – Ifremer
Pour les autres voici comment cela se passe. Si vous vous attendiez à lire les folles étreintes des huîtres sachez que nous en sommes loin. Tout se passe à distance. Les huîtres femelles expulsent leurs gamètes dans l’eau et les mâles, percevant les phéromones environnantes, en font de même avec leurs spermatozoïdes. S’ensuit une belle aventure pour que les deux se rencontrent enfin pour donner lieu à la fécondation. Une aventure où chaque gamète va être bercée par les courants, absorbée par les poissons… Les plus chanceuses trouverons leur moitié. Mais attention, à ce stade, nous sommes loin de pouvoir garantir une longue vie aux œufs. En effet, toujours dans l’eau, au gré des courants, l’œuf va se modifier, la division cellulaire « morula » s’enclencher pour donner naissance à une larve trochophore puis véligère qui, en battant des cils, aura pour but d’avancer, se déplacer, laisser son pied se former au niveau du velum et enfin se fixer sur un support pour développer sa coquille la protégeant de plus en plus des prédateurs.
C’est à ce moment très précis qu’entre en jeu les fameux collecteurs employés par les ostréiculteurs et plongés justement à cette période clé de reproduction des huîtres. Ce sont en effets ces disques de plastiques, ces tuiles et tubes que vous voyez partir par centaines sur les plates traditionnelles au cours de vos étés arcachonnais qui vont permettre de créer les huîtres qui seront dégustées quelques années plus tard.

Tuiles chaulées collecteurs de larves permettant la formation des naissains – La Barbotière (Gujan-Mestras) (c) Aurore Claval
Mais attention, pour que ce scénario de reproduction se déroule sans accroc, il est important que les huîtres soient disposées à expulser leurs gamètes dans les bonnes conditions. Mais qu’elles sont-elles ?
Les critères complexes et obligatoires pour une reproduction optimale
Pour se reproduire, pondre et se développer, les huîtres ont besoin de quatre conditions naturelles essentielles.

Tableau « L’huître et son milieu » – Maison de l’Huître (Gujan-Mestras)
L’écosystème du Bassin d’Arcachon répond à l’ensemble de ces critères. Il est donc, au-delà d’être un bassin de production, avant tout un des rares bassins de reproduction ostréicole. En effet, les huîtres ont besoin d’une température d’eau comprise entre 20-22 °C lors de la période de reproduction. Le Bassin, et sa faible profondeur, permet à l’eau de se réchauffer rapidement atteignant ainsi les 22/23 degrés en été. A cela s’ajoute la salinité qui doit se trouver entre 25-32% et le Bassin d’Arcachon bénéficie une fois de plus d’un avantage : La Leyre. A l’eau salée de l’océan amenée à chaque marée s’ajoute un apport en eau douce qui permet d’obtenir un taux de salinité entre 20 et 30%. Enfin, la survie des huîtres, des larves et des naissains dépend du taux d’approvisionnement en phytoplancton naturel. Le taux d’ensoleillement important sur le Bassin d’Arcachon et la faible profondeur de ce dernier permet à la lumière de pénétrer jusqu’au sol et ainsi faciliter la production du phytoplancton et des algues indispensables à la survie de l’huître. Il dispose également d’une eau riche en zooplancton et en oxygène.
La fragilité de cet habitat idéal pour la croissance et la reproduction des huîtres
Les huîtres dépendent de nombreux facteurs environnementaux qui sont de plus en plus mis en péril dans notre monde actuel. Elles sont sans cesse exposées aux risques de pollution littorale et à l’acidification des eaux. Ifremer, Le Conservatoire Du Littoral et de nombreuses autres structures et associations (Lemon Sea par exemple) s’affairent à sensibiliser et anticiper l’impact du réchauffement climatique sur les écosystèmes et le maintien des huîtres. C’est d’ailleurs pour cela que se multiplient les suivis sanitaires des eaux (réseaux nationaux REMI et REPHY chargés de surveiller la qualité microbiologique et phytoplanctonaire de l’eau et des coquillages) et la création de mesures pour préserver les coquillages qui sont considérés aujourd’hui par les scientifiques comme des espèces en dangers.
Pour contourner les variations subies par les espaces naturels et continuer à garantir la stabilité de l’économie ostréicole, furent créées les écloseries ainsi que les huîtres triploïdes. Deux tendances donc : l’intervention de la science pour créer la vie là où elle n’est plus totalement garantie naturellement. L’idée que pour préserver la vie, il est primordial de garantir la préservation de nos environnements.
Par Aurore Claval Guide-conférencière et Chroniqueuse (Aurora). Retrouvez-la sur son profile Linkedin.
N.D.L.R. : Si vous passez sur le Bassin, outre les nombreuses cabanes de dégustation un peu partout (Arcachon, La Teste-de-Buch, Gujan-Mestras, Biganos, Andernos ou encore les villages du Cap-Ferret), n’hésitez pas à aller visiter la Maison de l’Huître au Port de Larros, à Gujan-Mestras.
Et quand vous avez mangé vos huîtres, retrouvez nos conseils pour recycler vos coquilles sur notre article dédié ou encore de vous renseigner auprès de l’association Écho-Mer, spécialisée dans la protection des océans, la pédagogie et la revalorisation de la matière. Ils proposent des ateliers – entre autres – dédiés à ces fameuses coquilles .
LE SAVIEZ-VOUS ? Le bassin est à la source de toute l’ostréiculture, puisqu’il sert de cocon à la majorité du naissain.
En 2013, 315 ostréiculteurs sont implantés sur le pourtour du Bassin d’ Arcachon, et produisent annuellement 8 à 10 000 tonnes d’huîtres, soit 7% de la production annuelle française.