Les œuvres et le travail de recherche réalisés par Félix Arnaudin, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècles, font aujourd’hui la fierté des habitants des Landes. Mais, qui était Félix Arnaudin ? Un original qui s’est attribué la mission de conserver par tous les moyens qu’offrait son époque la mémoire de la Haute-Lande ? Un historien aux multiples talents et à la sensibilité à fleur de peau ? La vie de ce célèbre photographe landais, surnommé “Lou Pec” (l’idiot, en Gascon), est étroitement liée aux bouleversements engendrés par la révolution industrielle dans son pays natal. Arcachon Ecotours s’est intéressé à cet explorateur des Landes d’autrefois.
Autoportrait Felix Arnaudin
Simon Arnaudin surnommé Félix, est né le 30 mai 1844, dans la commune de Labouheyre, au cœur du département des Landes. Ses parents sont de riches propriétaires de terres agricoles et de métairies. Enfant rêveur, il chérit les paysages qui l’entourent.
À l’âge de 14 ans, il est envoyé, pendant trois ans, au collège de Mont de Marsan, pour y faire ses études secondaires. C’est une période difficile pour le garçon qui se languit des grands espaces naturels que lui offrent la Grande-Lande à cette époque.
À son retour, le curé de la paroisse prend la suite de son instruction. Félix devient un jeune homme érudit et curieux d’esprit. Très attaché à ses terres et amoureux en secret de Marie, la servante de la famille, il souhaite rester vivre dans la maison familiale. Il occupe quelques emplois dans le domaine commercial aux environs du canton. Mais, sans motivation, ni réelle compétence, il abandonne cette voie. Il vit alors des revenus que lui fournissent les métairies familiales.
Le Blasiot Cornalis Morcenx 1898
Saviez-vous que la forêt des Landes de Gascogne est une création artificielle ? Il y a 200 ans, la Dune du Pilat gagnait chaque année du terrain, les plaines sableuses de la région retenaient l’eau des rivières et des pluies, faisant le lit de nombreuses maladies infectieuses.
C’est pour lutter contre l’avancée des dunes et pour assainir ces terres marécageuses que Napoléon III imposa, en 1857, l’ensemencement de milliers de résineux : les Pinus Pinaster Aiton ou Pins des Landes. Cette nouvelle loi marque la création du Massif forestier des Landes tel qu’on le connaît aujourd’hui.
De nombreux terrains sont vendus au bénéfice de la bourgeoisie des environs. En un demi-siècle, du Bassin d’Arcachon à la lisière du Lot-et-garonne, en passant par les plages d’Hossegor, les paysages se transforment. La sylviculture intensive et ses ressources économiques prometteuses ouvrent la voie au monde industriel. Le système agro-pastoral et les pâtures de la Haute-Lande laissent progressivement la place à de nouveaux modes de vie.
La Lande de Félix Arnaudin est vouée à disparaître.
Abbaye Ste-Marie, Mimizan
À l’aube de cette nouvelle société qui voit le nombre d’échassiers landais s’amenuiser et le chemin de fer traverser sa ville natale, Félix Arnaudin est inquiet.
Soucieux de conserver le souvenir des traditions de son cher pays, il s’engage, à l’âge de trente ans, dans une quête à laquelle il consacrera sa vie entière : collecter tout ce qui constitue la culture des Landes de son enfance.
Malgré les moqueries de ses contemporains, il sillonne le territoire landais dans le but d’étudier et de recenser les traditions et les habitudes de vie de la population locale. Une étude ethnographique qu’il réalise avec la rigueur propre à toute chercheur scientifique, muni de questionnaires et de son attirail photographique.
Isolé dans sa campagne, il souhaite cependant que ses investigations soient reconnues par la communauté scientifique. Il entreprend alors une correspondance avec les plus grands spécialistes de son époque. Des lettres qu’il conserve précieusement.
Il note dans ces cahiers tout ce qu’il peut rassembler sur le patrimoine oral : les contes, les particularités de la langue gasconne, les proverbes, les chants traditionnels. Il rassemble des informations historiques, des détails sur les milieux de vie naturels qu’offre la Grande Lande. Un travail d’écriture dont il tirera quelques publications de son vivant.
Félix est le premier à réaliser, en autodidacte, des travaux de recherches aussi conséquents et diversifiés. L’énergie qu’il déploie est à la hauteur de l’urgence qui l’habite. Au-delà de l’indifférence qui l’entoure, il entreprend une course contre la montre pour immortaliser l’essence de son pays.
‘Taillayres’, coupeuses de bruyère – Pradéou (Commensacq)
Félix Arnaudin fut également appelé “Lou limajeyre” qui signifie “L’imagier” en patois. Fervent défenseur des valeurs du passé, il choisit pourtant la photographie, une technique très moderne, pour constituer la mémoire visuelle des Landes. De 1895 à 1910, il prendra des milliers de clichés :
Ses photographies sont des mises en scène longuement mûries dans lesquelles les personnages sont des figurants rémunérés. Le but est de retranscrire une certaine réalité pour faire apparaître la beauté d’un patrimoine mis à mal par la politique agricole de Napoléon III et par les défenseurs du progrès.
Sabres, Le Nan, châtaignier, sarcleuses
Arnaudin a vécu une grande partie de son existence à contre-courant. Son amour interdit pour Marie Darlanne lui vaut la réprobation familiale mais il s’y accrochera jusqu’à la fin de sa vie. Sa foi inaltérable en la mission qu’il s’est fixée le place également en marge de la société de son époque.
Il meurt le 6 décembre 1921, incompris par les siens, mais accompagné par Marie dont il a réalisé tant de beaux portraits.
Ses créations ont été portées à la connaissance d’un public plus large dans les années soixante par sa famille et quelques initiés. Elles ont trouvé leur place dans les collections du Musée d’Aquitaine de Bordeaux. Quant à sa maison natale de Labouheyre, elle est devenue La Maison de la Photographie des Landes, un lieu dédié à l’artiste et aux rencontres photographiques autour des relations entre les hommes et leur environnement.
Les récits et les tirages photographiques de Félix Arnaudin témoignent d’une époque révolue mais dont l’image est restée intacte grâce à l’attachement profond de l’homme pour son territoire. Malgré la transformation importante qu’elle a connue, la région des Landes de Gascogne est aujourd’hui un haut lieu du tourisme vert.
Arcachon Ecotours, attaché à ses racines, propose des séjours respectueux de l’environnement autour du Bassin d’Arcachon. Vous partagez ces valeurs ? Suivez-nous à la découverte de la forêt landaise et de ses enjeux !
Pour en savoir plus :
Merci à Séverine Labadie pour la rédaction de cet article. Pour la contacter c’est ici.
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