Beyond the Sea : une aile de kite pour décarboner la marine
Interview : Beyond the Sea, l’entreprise du Bassin d’Arcachon qui veut décarboner les navires du monde
Beyond the Sea ouvre le bal d’une série d’interviews qu’Arcachon Ecotours entend consacrer aux entreprises qui font avancer les choses en matière d’écologie et d’innovation durable. Et quand ces organisations sont, de surcroît, originaires du Bassin d’Arcachon comme nous, on leur donne la parole avec une immense fierté. À l’heure où Beyond the Sea réalise une belle démonstration avec ses ailes de kite qui permettent de propulser tous types de navires en utilisant la force du vent, découvrez notre entrevue avec Marc Thienpont, récemment nommé Directeur Général de l’entreprise.

Marc Thienpont, Directeur de Beyond the Sea (©Beyond the Sea)
Bonjour Marc, et bienvenue dans le mag d’Arcachon Ecotours, vous qui avez grandi sur le Bassin d’Arcachon ! On vous laisse vous présenter ?
« Merci ! J’ai effectivement eu la chance de grandir sur le Bassin, une région magnifique qui a vu naître ma passion pour la mer et la voile. J’ai d’ailleurs transformé l’essai en faisant l’Ecole Nationale Supérieure Maritime. L’occasion m’a ensuite été donnée de naviguer comme Officier, puis Capitaine et Chef Mécanicien, et de me sédentariser dans des fonctions de Directeur Technique et de Flotte au sein de compagnies maritimes. Avec mon arrivée chez Beyond the Sea, cette année 2022 marque un retour aux sources sur le Bassin d’Arcachon ! Avec une nouvelle mission pleine de sens : celle de décarboner le secteur de la marine. »
Durabilité, réduction de l’empreinte carbone… Quelle est la solution de Beyond the Sea pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la marine ?
« Avant d’être officiellement créée en 2014, Beyond the Sea a mûri pendant quelques années dans la tête du navigateur Yves Parlier, qui a toujours eu une sensibilité écologique très forte. C’est suite à ses démâtages qu’il a réalisé qu’une traction par aile de kite offrait à son bateau la possibilité de revenir au port sans encombre et cela avec une puissance de traction importante.
Il lui est apparu très tôt que la solution de traction par kite avait toutes les qualités pour atteindre ce double-objectif : celui de répondre techniquement à des difficultés opérationnelles dans la marine, tout en décarbonant la planète. C’est une solution pensée par les marins, pour les marins. Elle repose sur une idée simple : utiliser la force du vent pour propulser tous les navires via une aile de kite, et ainsi optimiser leur consommation d’énergie et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. ».
On peut avoir du mal à visualiser une aile de kite tractant de gros navires. Comment se passe le développement d’une telle solution chez Beyond the Sea ?
« Nous créons des produits innovants, complexes et robustes techniquement parlant, donc il faut procéder par étapes et en fonction du soutien reçu. Nos premiers prototypes de voiles, financés par l’Ademe et sur fonds propres par Yves Parlier, ont été conçus pour des navires de petite taille, dans la marine de plaisance ou la pêche. Aujourd’hui, avec l’aide de Time for the Planet, de la Région Nouvelle-Aquitaine ou encore de la BPI, nous travaillons sur le développement d’ailes allant jusqu’à 400 m², voire 800 m².
Notre objectif est de mettre sur le marché une aile capable de tracter des cargos de la marine marchande. Mais à chaque consortium son lot de réflexions et d’avancées : le développement d’une aile de 100 m² est beaucoup plus simple car on a au préalable débugué les problématiques d’une aile de 25 ou de 50 m². C’est comme cela que l’on fait les bons choix techniques. Ensuite, se pose effectivement la question de la légitimité d’une telle solution auprès du grand public. Outre le financement d’une partie de notre projet, l’implication de Time for the Planet a beaucoup joué en matière de crédibilité et de visibilité. Aujourd’hui, on surfe sur une belle émulation et, sans mauvais jeu de mots, ça donne des ailes à notre équipe ! »
Les récents essais de la voile de kite, à bord du catamaran d’Yves Parlier, ont-ils été concluants ?
« Nos équipes ont énormément travaillé sur la reconversion de ce navire, le SeaKite, avec lequel Yves Parlier a battu des records. C’est à la fois un laboratoire, un démonstrateur et un vecteur de communication important. La vocation de Beyond the Sea est de rendre efficiente, universelle et incontournable la traction par kite des navires : début novembre, le SeaKite a été la preuve indiscutable que l’on peut tracter un bateau sans utiliser d’énergie carbonée. Ces essais représentent à la fois un premier objectif atteint et en même temps une première marche vers la suite !
Les ailes utilisées, de 25 et 50 m², ont été conçues par le designer historique de Beyond the Sea, Armand Torre, qui travaille en étroite collaboration avec Yves Parlier depuis des années. A nous de viabiliser ces ailes pour continuer de toucher la marine de plaisance. Nous avons d’ailleurs débuté la commercialisation des modèles de 25 et 50 m². Beyond the Sea ambitionne de réduire les émissions de ce secteur de 20 %. »

Le Seakite de Yves Parlier
Qu’en est-il de la marine marchande, dont la consommation d’énergie et l’empreinte carbone sont particulièrement significatives ?
« Effectivement, si la marine marchande était un pays, elle serait le 6ème producteur de CO2 au monde. Notre objectif est donc de développer progressivement des ailes de 100 m² (fin 2023), 200 m² (fin 2024) et 400 m² (fin 2026). Ces produits seront codéveloppés avec des armateurs clés, dans le but d’appareiller des navires de plus grosse taille (avec un système de pilotage pouvant aller jusqu’à 40 tonnes de traction). Ces bateaux ont en effet des contraintes opérationnelles bien différentes des plaisanciers et des pêcheurs.
L’Organisation Maritime Internationale (OMI) a initié des objectifs ambitieux en matière de réduction de la consommation d’énergie de ces navires. De nouveaux critères entrent progressivement en jeu pour obliger les armateurs à décarboner leur flotte. D’un côté en réduisant leur vitesse, de l’autre en consommant moins d’énergies fossiles. Chez Beyond the Sea, nous travaillons à ce que la propulsion vélique soit mieux valorisée encore… car même les carburants de substitution ne suffiront pas pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050. »

Vers une flotte maritime plus verte avec les solutions de Beyond the Sea (©Beyond the Sea)
Merci pour cet éclairage ! Une dernière question, plus légère : comment se passe votre nouvelle vie girondine chez Beyond the Sea ?
« Comme Arcachon Ecotours je présume, je suis très attaché au Bassin d’Arcachon et fier que la région soit un vivier d’innovation, notamment dans la green tech. Cette aventure Beyond the Sea, je la vis aujourd’hui avec 27 collaborateurs qui ont trouvé un sens à leur vie professionnelle. Il règne dans cette équipe une motivation et une émulation incroyables ! Chacun doit jouer son rôle pour préserver la planète. Cet été, les incendies de Gironde ont contribué à cette prise de conscience malheureuse au sein du grand public. De notre côté, ça n’a fait que décupler notre énergie pour amener le monde maritime à s’engager dans la transition écologique. Suivez Beyond the Sea de près, car nous n’avons pas fini de nous jeter à l’eau pour innover, encore et encore ! ».
Un article rédigé par Marine Boissière. Retrouvez-la sur LinkedIn.
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